Abus dans l’Église catholique : 4 œuvres de fiction pour comprendre

Tandis que se tient moins d’un mois après le rapport de la CIASE l’assemblée plénière de la Conférence des Evêques de France (CEF), retour sur quatre œuvres de fiction offrant un éclairage sur la crise des abus au sein de l’église catholique.

[TW : agressions sexuelles, pédocriminalité, viol]

Les conclusions du rapport de la CIASE sur les abus sexuels et spirituels au sein de l’église agitent depuis près d’un mois la communauté catholique. L’assemblée plénière de la Conférence des Évêques de France, réunie à Lourdes jusqu’au 8 novembre prochain, y consacre plusieurs temps de travail et réflexion. 

Mais au-delà de la reconnaissance des crimes commis et de l’accompagnement des victimes, c’est tout un système de rapports au pouvoir, au corps et à l’obéissance favorisant l’emprise et le silence qui doit être repensé dans l’Église catholique. Autant de questions sur lesquelles certaines œuvres de fictions se sont penchées ces dernières années, faisant suite aux différents scandales pédocriminels au sein de l’Église ou à la faveur du mouvement #MeToo, qui a pointé un certain nombre de mécanismes de domination menant aux violences sexuelles.

 Si l’art et la pop culture ne prétendent pas apporter de solutions, reste que certaines fictions ont joué un rôle important dans la sensibilisation et la compréhension des phénomènes d’emprise et d’abus, sexuels et spirituels.

Grâce à Dieu, de François Ozon (2019)

Il s’agit sans doute de l’œuvre de fiction la plus fidèle et la plus précise sur les abus au sein de l’Église en France. Le film est basé sur l’affaire Bernard Preynat à Lyon et revient sur le combat des victimes pour la reconnaissance et la condamnation des faits par la justice. Parallèlement au parcours judiciaire, nous suivons la création de la Parole Libérée, première association française de victimes d’abus sexuels au sein de l’Église. Le film est centré sur ses différents membres et met en lumière le rôle décisif de l’action collective face à l’isolement des victimes et l’incapacité des autorités ecclésiastiques à remettre en cause une certaine idée de l’obéissance.

Spotlight, de Tom McCarthy (2015)

On ne compte plus le nombre de fictions qui se sont intéressées au rôle de contre-pouvoir de la presse. Là encore basé sur des faits réels, Spotlight suit le travail de l’équipe « Spotlight », réunissant plusieurs journalistes d’investigation du Boston Globe chargés d’enquêter sur les abus sexuels du diocèse de Boston, sciemment couverts par la hiérarchie de l’Église catholique. La révélation de l’affaire, en 2002, amènera des centaines de victimes à travers le monde anglo-saxon à témoigner à leur tour. Si le film n’idéalise en rien ses protagonistes – l’idée de l’enquête germe afin de faire remonter les ventes du journal –, il n’en rappelle pas moins l’importance du rôle de la presse face à une institution déterminée à étouffer le scandale.

Unbelievable, de Michael Chabon, Susannah Grant et Ayelet Waldam (2019)  

Nous quittons l’univers de l’Église avec cette mini-série policière américaine, centrée sur une enquête de police visant à identifier un violeur en série qui sévit dans le Colorado. La série a été remarquée pour la précision glaçante avec laquelle elle dépeint les mécanismes de silenciation des victimes d’agression sexuelle et leur difficulté à être crues lorsqu’elles ne sont pas de « bonnes » victimes. Ainsi, l’une d’entre elle n’est pas prise au sérieux par sa famille d’accueil et la police, qui font pression sur elle afin qu’elle se rétracte – ce qui a de graves conséquences pour elle, puisqu’elle se retrouve poursuivie pour faux témoignage. Si la série s’intéresse surtout aux biais sexistes encore à l’œuvre lorsqu’une femme est agressée sexuellement, elle souligne également le poids des rapports de pouvoir dans la prise en charge des victimes et la poursuite des coupables.

L’Hibiscus Pourpre, de Chimamanda Ngozi Adichie (2003)

L’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie explore dans ce premier roman, entre bien d’autres thèmes, celui de l’emprise et de la construction de soi. La narratrice, Kambili, est une jeune fille timide et effacée. Toute sa famille vit sous la coupe de son père, Eugène, catholique fondamentaliste violent, toutefois respecté et admiré pour son intégrité et son courage politique – il détient le seul journal indépendant du pays et refuse de se laisser corrompre. Kambili idolâtre ce père dont elle ne nous cache pourtant aucun des actes de maltraitance physique et psychologique qu’il fait subir aux membres de sa famille, actes toujours justifiés par la pratique religieuse. Lorsqu’un coup d’État contraint Kambili et son frère à aller vivre chez leur tante, la jeune fille découvre un univers totalement différent. Que faire de cette liberté nouvelle qui l’effraie ? Comment parler lorsqu’on l’a toujours fait à votre place ? Quelle vie spirituelle (re)construire ? Autant de questions qui traduisent la difficulté, surtout face à la violence, de se dresser contre une figure d’autorité, qui plus est détentrice d’une autorité spirituelle.

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