Une messe de 11 novembre, des drapeaux aux colonnes, des peintures de Jésus qui se déhanche, la voiture d’Antoine Griezman, et une occasion de connaître le nom de son voisin.
J’arrive à la bourre, je m’assois au fond de cette vieille église catholique. La messe vient de commencer, il pleuvait dehors comme n’importe quel 11 novembre et nous sommes tous trempés. Les parapluies sèchent contre les bancs mais heureusement des grille-pains rouges de cafés accrochés aux colonnes nos dorent sur le dessus. Juste devant le choeur, il y a des drapeaux tricolores aux piliers et un blason RF en dessous. Je suppose que c’est inhabituel.
Si j’étais arrivé en avance comme prévu, je serais allé voir les décorations mais comme je ne suis jamais très attentif, je commence déjà à regarder au loin. Un étrange chemin de croix qui change de peintre toutes les trois stations. C’est pas franchement bon mais il y en a des drôles comme ce Jésus qui fait du breakdance.
L’église est traversée par plusieurs époques, certaines parties ont l’air vraiment très anciennes et l’on distingue même quelques peintures très abîmées sur les murs. C’est assez marrant, l’édifice a une forme presque carrée et une coque de bateau au dessus de la travée centrale. Je n’écoute qu’à moitié en continuant de sécher mais je note que les lectures bibliques sont faites par des ados. C’est pas mal, est-ce que c’est tout les dimanche ?
Puis le prêtre commence son homélie en lançant :
– Autant prévenir ceux qui ne viennent pas tous les dimanches, on ne le fait pas à chaque fois : en mémoire ce cet armistice, tournez-vous vers votre voisin et demandez-lui son prénom !
Il parle fort, et il a une grosse voix, moi je m’exécute.
– Puis dites-lui : Je veux la paix pour toi.
On est lancé.
– “Maintenant dites toutes avec moi : “Je veux la paix pour tous.”
– Une fois.
– Encore une fois
– Et une nouvelle fois.
Maintenant on est bien réveillé.
– Une parole universelle que la parole de Dieu vient éclairer ce dimanche !
L’évangile du jour, c’est l’histoire d’une pauvre veuve qui ne peut donner qu’une pièce et que Jésus met à l’honneur en disant qu’elle a donné bien plus que tous les autres. ” Imaginez si Antoine Griezman était à la messe parmi nous, qu’il était arrivé avec sa belle voiture. Quels hommages vous lui donneriez ? ”
Il sait tenir son public, et entre chaque partie de son homélie, il reviendra nous faire scander bien fort ” Je veux la paix pour tous”. Ça change des Amen.
Un peu plus tard, le moment de prière universelle me touche. En ce jour d’armistice, on prie pour les poilus et les soldats d’aujourd’hui, mais aussi pour les réfugiés et “toutes les communautés chrétiennes”. Le geste de paix avant de partager l’eucharistie a aussi un goût particulier. J’ai mis des années à ne pas détester ce moment. C’est si bizarre quand on découvre le catholicisme, alors que toute la fin de la messe tend vers un moment d’introspection, de se rappeler d’un coup qu’il y a des gens autour de nous. Juste avant de partager le pain et le vin, le prêtre invite tout le monde à se tourner vers ses voisins et leur serrer la main. Quelle horreur.
Mais aujourd’hui c’est plus facile. Je connais le prénom de mon voisin, je lui ai déjà dit “je veux la paix pour toi.” Ça ne m’arrive pas souvent mais aujourd’hui j’ai envie de communier avec mes voisins.
Quand viennent les annonces, c’est le rappel que le temps a repris sa marche : ” On vendra des petits santons de Provence à peindre. Si vous voulez une crèche, c’est sur commande donc venez remplir le formulaire à la fin de la messe.” C’est donc bientôt Noël.
” Priez pour la personne dont vous avez appris le nom”, conclut le prêtre avant de nous laisser partir. Cette semaine je le ferai, je ne l’oublierai pas.
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