Il y a eu, a, aura des moments dans votre vie où les choses ne marcheront plus. Où pour tout un tas de raisons vous vous retrouverez face à vous-mêmes, sans plan précis mais avec l’impérieuse nécessité de vous réinventer. C’est le cas de l’un de mes amis, qui pour sortir de l’impasse a décidé de dire oui à tout, pendant un mois. Ce qui explique la facilité avec laquelle je l’entraîne ce jour-là dans un sanctuaire art brut perdu au beau milieu de la Mayenne.
C’est un véritable temple qui se dresse devant nous, surgissant du brouillard nappant le paysage cet après-midi-là. Dernière demeure du sculpteur Robert Tatin (1902-1983), la Maison des Champs est en effet plus qu’une simple maison d’artiste.
Un après-midi brumeux dans une maison d’artiste spirituelle
Nous sommes accueillis par une série de dix-neuf géants qui bordent l’allée conduisant à la maison. A mesure que nous progressons, nous traversons la vie de l’artiste : Vercingétorix et Jeanne d’Arc évoquent l’enfant passionné d’histoire, la Vierge et Sainte Anne l’adolescent mystique. Le Maître Compagnon marque le moment où Robert Tatin fait le choix d’être artiste et ainsi d’entrer dans la lignée de Picasso, Rodin, André Breton… Autant de figures “ancestrales” sous le patronage duquel il se place.
C’est sa cosmogonie personnelle que Robert Tatin a cartographiée, sous la forme d’un ensemble architectural et sculpté auquel il a consacré les vingt dernières années de sa vie. Le site peut être compris comme la somme des thèmes récurrents de l’oeuvre de ce créateur hors-normes, à la fois peintre, sculpteur, graveur, céramiste, architecte et créateur textile.
Poussé par une quête de l’ailleurs
La quête artistique se double d’une quête de l’ailleurs que de nombreux voyages n’ont jamais assouvie. Le souvenir de ces derniers est perceptible dans le style du décor sculpté des hauts murs qui ceignent la Maison des Champs et de sa cour, le Jardin des Méditations : on retrouve l’influence de l’Amérique du Sud où Tatin a longuement séjourné, surtout dans les deux portes monumentales du Jardin, dédiées au Soleil et à la Lune.
Ailleurs, on croise des personnages évoquant à la fois des saints médiévaux, des divinités amérindiennes et des symboles issus de différentes traditions religieuses : le Yin et le Yang, le calice, la croix latine, le croissant de lune…
Car la Maison des Champs est aussi l’expression la plus aboutie de la conception de la spiritualité de l’artiste : elle a été pensée
comme un grand ensemble où fusionnent religions orientales, christianisme, chamanisme amérindien avec le panthéon personnel de Robert Tatin. Ainsi, la Porte des Géants où sont représentés
Rembrandt, Van Gogh, Léonard de Vinci, Goya et Delacroix, côtoie le Dragon, dans la bouche duquel se trouve une minuscule Vierge Marie, qui invite le visiteur à conserver un œil “vierge” sur ce qu’il contemple. “Prépare-toi à être surpris”.
Marie métamorphosée
L’artiste est revenu à plusieurs reprises et de façon très personnelle sur le thème ou l’iconographie de la Vierge. Elle est très présente dans le décor du Jardin des Méditations, soit par le biais de l’inscription “Ave Maria Stella”, que l’on retrouve en plusieurs endroits, soit sous la forme de représentations hybrides, évoquant à la fois l’imagerie catholique traditionnelle de la Vierge à l’Enfant, les déesses-mères païennes et les divinités hindoues à plusieurs bras.
C’est encore elle qui domine, du haut de ses 6m50, le Jardin des Méditations, avec la sculpture Notre-Dame-de-Tout-le-Monde, qui réaffirme le désir d’unité religieuse de Robert Tatin.
Il y a eu, a, aura des moments dans votre vie où les choses ne marcheront plus. Et ce sera formidable car vous vous retrouverez sans plan précis, mais avec la merveilleuse possibilité de vous réinventer. Vous pourrez alors dire oui à tout. A la métamorphose sans fin, au mystère, au voyage improbable. Comme Robert Tatin, comme Marie, comme mon ami. Et comme celui-ci, vous serez bien inspiré.
- Musée Robert Tatin La Maison des Champs 53230 Cossé-le-Vivien
- 02 43 98 80 89 https://www.musee-robert-tatin.fr
Sauf mention contraire, toutes les photographies de l’article sont de l’autrice.
Soyez le premier à commenter