Plan culte : dans ce petit temple vert lichen

C’est une de ces petites églises toutes douces mais un peu grinçantes. Probablement à l’image du vieil orgue qui n’est pas encore centenaire mais mérite bien d’être réformé.

Pour trouver ce temple protestant d’une grand ville bien catholique, j’ai tourné un moment dans la rue. Il n’y avait qu’un panneau visible dans un seul sens qui invitait tout au fond d’une cour. Là-bas, une dame âgée m’ouvre la porte et offre une poignée de mains ferme. Pas le temps de discuter plus avant le culte, elle me tend un recueil Arc-en-ciel : ça va commencer.

Ce matin on ne se bouscule pas au milieu de ces 20 personnes aux cheveux grisonnants. Un coup d’œil circulaire : il y a peu de décoration au mur à part les dessins des enfants du caté et le tableau de résultat des offrandes depuis le début de l’année. L’autel, c’est une simple table avec une nappe blanche. Posés dessus, une grande bible ouverte au milieu des Psaumes sur un lutrin, le pain et la coupe de la Cène, et une petite cruche en métal remplie de jolie fleurs fraîchement coupées. Je ne peux pas m’empêcher de me demander qui a choisi cette affreuse moquette vert lichen aux murs. Elle s’accorde aux dalles vertes, et aux poutres apparentes : on pourrait croire que le reste de la semaine la salle sert de gymnase au club de judo.

C’est une femme chef d’orchestre qui préside le culte. Elle est à la fois à la présidence, à la conduite des chants, à la prédication et à la Cène. Les chants sont évidemment très poussiéreux, mais je me sens bien ici. Quand elle prêche, c’est d’une voix douce, comme si elle racontait un conte à ses petits enfants. Les mots qu’elle choisit par contre, c’est comme si nous étions tous à la fac. Elle s’écarte un peu, laisse courir son imagination sur le texte, s’attarde sur les pensées d’un personnage secondaire qu’elle préfère aux personnages principaux, mais ne saute pas d’un bout à l’autre de sa bible. Et toujours aussi calmement, son message glisse sur un appel à l’œcuménisme avec les frères et sœurs catholiques, orthodoxes.

Quand arrive la Cène, je me mets à griffonner sur mon carnet. Un jour je voudrais faire un tableau avec toutes les façons différentes de prendre la Cène selon les communautés chrétiennes. J’aime bien la Cène chez les réformés parce qu’on se lève pour se mettre tous en cercle. Tout le monde est invité (pas comme chez les évangéliques), le pain c’est du vrai pain (pas comme chez les cathos), le vin c’est du vrai vin (pas comme à l’armée du Salut). Puis vient mon moment préféré : les annonces. Brusquement tout devient participatif : une dame annonce que ce sera le changement d’heure et un débat éclate pour savoir dans quel sens ça sera. Une autre fait la promotion de ses marque-pages. “Moi j’ai toujours mes confitures si vous voulez”, dit une troisième, “et n’oubliez pas mes pommes!” relance une dernière. Je me pince fort la cuisse pour ne pas éclater de rire.

A la sortie je discute avec un ou deux réguliers. Ils savent se montrer accueillants sans être intrusifs. Ils sont conscients de ne pas être très nombreux, “mais certains aiment les petites communautés”. On me propose de recevoir leur newsletter, je réponds que je l’avais déjà donnée la première fois. Je m’abstiens bien d’ajouter que j’ai surtout reçu des faire-part de décès depuis. Je suis reparti avec de la confiture et des pommes.

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